Le mur n'existe pas

Pourtant, sa curiosité et son éveil le poussent à voir plus loin. Il s’interroge, il observe, il réfléchit, il cherche à se construire une identité au-delà de celle acquise à la naissance, mais sans l’effacer. Il aimerait connaître les autres destinées, braver les interdits, vivre aussi avec les êtres de ce deuxième monde. À la façon d’un explorateur, aller là où ses ancêtres n’ont pas marché, dans des territoires qu’ils n’ont pas pu – ou su – conquérir. Il ne s’agit pas tant de jouer l’aventurier que de simplement chercher à s’ouvrir à d’autres horizons avec une idée de partages, d’échanges et de découvertes. Il ne veut ni quitter son milieu d’origine, ni se singulariser, mais simplement s’épanouir, découvrir les autres, vivre pleinement dans un monde entier sans division. Il ne cherche pas à échapper à son milieu, il ne s’agit en aucun cas de fuir pour aller ailleurs, mais plutôt d’étendre son espace de vie en évoluant dans un monde plus grand et plus riche, fait de son monde originel et du monde à découvrir.

Il se sent un homme comme tous les autres, ni supérieur, ni inférieur, il n’a ni plus ni moins de qualités qu’un autre. La seule particularité qu’il pourrait admettre est son ouverture d’esprit qui lui confère une curiosité vive et une capacité à voir plus loin. Car il sait que les hommes sont identiques des deux côtés et que le cloisonnement n’existe pas.

Pour lui, le mur infranchissable qui sépare le monde en deux milieux purs et immiscibles est une chimère ; le mur est un mirage qui n’existe que dans les têtes idiotes, il n’a aucune réalité, ni aucun bien-fondé. Le franchir est donc un non-évènement, juste une continuation du mouvement vers la liberté pour sortir de l’emprise des dogmes.

Malheureusement, les convictions sont tenaces lorsqu’elles proviennent du passé le plus lointain qu’est la naissance – voire au-delà. Et peu nombreux sont ceux qui osent se présenter devant le mur, encore moins nombreux ceux qui passent le pied de l’autre côté. L’être le plus averti et le plus accompli sera évidemment celui qui passe et repasse d’un côté à l’autre en ne voyant pas la barrière invisible. Ici, l’homme intelligent et avisé est celui qui brise les murs qui n’existent pas, sauf dans les têtes crédules qui ont été éduquées pour voir l’illusion et qui sont restées trop complaisantes et dévouées.