La naissance du désert
D’abord, il y eut la chaleur, et un soleil de plus en plus présent.
On l’aimait bien ce soleil. Même si, parfois, il devenait trop brûlant.
On profitait de la vie qu’offrait le beau temps.
Avec un ciel sans nuage. Nous étions insouciants.
Puis, les nuits sont devenues plus froides et sèches.
On pouvait voir les étoiles du crépuscule au lever du soleil.
Tous les soirs, on partageait avec elles des moments privilégiés.
On était bien.
Mais, un jour, l’herbe vint à manquer.
La vache, qui pressentait le pire, se mit à pleurer.
Les arbres se courbèrent, épuisés, ils ne pouvaient plus offrir d’ombre.
Les nuages et les pluies n’osaient plus venir. Le soleil avait gagné, définitivement.
Les arbres et les fleurs se mirent à pleurer avec des sanglots sans larmes.
La terre était devenue une pierre infertile.
Sans eau, la vie était condamnée.
L’alevin disparut. Puis le veau, le chevreau, l’agneau se retirèrent.
Le désert était là. Seul.
Une nature sans vie. Triste. Mortelle.
C’était l’évolution.
L’évolution ultime qui mène à la mort. Inéluctablement.
Comment se coucher ?
Comment se coucher quand une journée est toute la vie ?
Quand l’excitation est à l’apogée de sa propre vie
Pourquoi s’allonger quand on a encore et encore l’envie
Car dormir un peu, c’est mourir un peu et tuer l’envie.
L’euphorie vécue, durant un instant, ouvre grand la vie
Fermer les beaux yeux, c’est stopper l’instant, se tuer aussi
Rester éveiller, profiter encore, pour vaincre l’oubli
La fatigue tue, ce mal absolu, qui bouffe l’envie.
Avant que le temps ne prenne mon temps si court et chéri
Sentiment d’avoir vécu l’incroyable, la pleine euphorie,
Comme après un rêve, se sentant si fort, mais ce matin dit,
Comment se lever quand la longue nuit est toute une vie ?
Le bonheur était là
Ce matin encore un levé sans le soleil
Couché ou debout, tremblant dans mon sommeil
Je sens que je vais revivre la veille
Aujourd’hui encore sera pareil
Je sais, je sais la routine est bien belle
D’ailleurs, la vie existerait-elle sans elle ?
Ses merveilles cachées me sont irréelles
Que la vie m’est devenue trop habituelle
Je traîne, je traîne, j’attends d’avoir le temps
Je ne cesse de toujours être en mouvement
Je repousse à plus tard le temps des sentiments
La vie court encore inlassablement
Je voudrais, je voudrais croquer le bonheur
Avec celle qui partage mes jours et mes heures
Mes peines, mes joies, les douleurs de mon cœur
Mais le temps me tient jusqu’à la mort
On court, on court, toujours trop pressés
On rit aussi on chante quand on est occupé
Impossible de suspendre le momentané
Furtive, la jouissance est déjà au passé
On cherche on cherche le bonheur qui va
Mais ce n’est qu’au passé qu’on le reconnaîtra
Sans le savoir, le bonheur frappe là
Sans le savoir, le bonheur était là.