Le coin dans la tête
Il a caché dans un coin de sa tête le désir fou de parler à ceux qui ne sont plus là.
Il voudrait maintenant le retrouver. Alors, il cherche vaillamment dans les moindres coins et recoins de son cerveau. Mais il n’est pas facile de jouer avec ce polyèdre farceur qui fait disparaître les secrets enfouis.
Il voyage en vain aux quatre coins de son cerveau. Personne ne doit savoir, personne ne doit voler le secret.
À côté du coin contenant sa folle envie, figurait, dans un autre coin, un autre désir, celui d’être différent des autres. Mais quelle forme avaient ces deux coins ? Il ne le sait plus.
Malgré son regard aigu, il ne voit que des courbes adoucies en survolant ce cerveau vieilli. Aucune pointe en vue. L’oubli est morne, lisse, monotone, fastidieux. Peut-être mortel. Où sont les idées pointues ?
Quelque part dans des coins de sa tête, il a rangé des idées qui dépassent la platitude des courbes infinies convexes ou concaves. Il ne les a jamais sorties. Elles y sont donc forcément. Mais où ?
L’espace du cerveau a une géométrie spatiale et temporelle complexe et évolutive, à l’image de la vie, de la terre, du vivant. Les coins d’autrefois auraient-ils évolué vers la platitude absolue ? Peut-être ont-ils disparu, recouverts par la monotonie, l’évidence, la facilité ?
Il n’aurait pas dû cacher ses idées. Il n’aurait pas dû les enterrer. Il aurait dû les sortir, les montrer, les crier fort et haut.
Idée perdue, occasion manquée, volonté effacée. Consciemment, ou inconsciemment.