Le naufrage
Ils étaient dix dans une petite barque
Nous étions cent dans un navire des mers,
D’un point à l’horizon pour seule marque
Cachottant des matelots téméraires,
Quand, à l’approche, nous vîmes les jeunes gens
Un bateau ivre flottant dans les rêves,
On para du haut de notre géant
La détresse dégoulinant de la sève.
Au nord, fuyant la terreur, ils partaient,
Nous n’avions que des larmes à leur donner,
Le courage et la folie les portaient,
Nos yeux rouges ne surent même les saluer.
Impuissants et gauches, nous étions inaptes,
Traumatisés, tétanisés, pantois,
À offrir de l’aide sans toucher l’acapte,
En s’en remettant aux yeux de la loi.
Tels les idiots qui regardent le malheur
Depuis leur trône se croyant prémunis
Ou se pensant au théâtre pleureur
Et qui s’en vont l’âme légère impunis,
D’aucuns parmi nous ne surent les aider,
Nous partîmes vers d’autres destinations
Laissant ces êtres sous les flots sombrer
Et naufragés de leur embarcation.