Un instant
Je vous donne un instant, ne le perdez pas, je n’ai que celui-ci.
Je le partage délicatement au gré des rencontres.
Il est puéril et usé, utile et naïf, trop court et trop long.
Je le passe de main en main comme un précieux présent.
Il m’appartient sans être tout à fait à moi.
Entre les doigts s’égoutte ce partage, je vous l’offre, prenez-le avec joie.
Un jour, peut-être, me le rendrez vous ?
Les silences
D’un silence à l’autre il faudrait tracer un bruit
Ou tendre une chanson pour mieux les réunir,
Si les paroles se succèdent avec logique et ordre
Alors les silences aussi doivent s’enchaîner
Avec légèreté, justesse et naturel.
Pourquoi apprend-on à parler bruyamment
En oubliant de consommer les silences ?
Passer le temps
D’avoir passé son temps à voir le temps passé
Sans saisir un instant pour cesser d’angoisser,
D’avoir rêvé autant de voir la panacée
Et se borner pourtant à quelques opiacés.
Mais par où débuter pour ne pas décevoir
Comment imaginer dépasser ce devoir
De voir en la vertu le pouvoir du vouloir
Et quand on s’évertue sans le don de mieux voir.
D’avoir trouvé l’amour et voir l’amour perdu
Se perdre en désamour de douleur éperdu,
Et crier au secours quand le cœur est perdu
En tout dernier recours dans un temps suspendu.
Mais comment effacer les troubles effusions
Quand la face crevassée ne trouve qu’illusions,
Se sentant délaissé victime d’exclusion
Et perd l’âme blessée en quête d’évasion.
D’avoir fermé les yeux pour mieux ouvrir son cœur
D’être devenu vieux et noyé de rancœur,
Devant les yeux fermés des nuits de vie en chœur
S’en retrouvent enfermées au milieu des erreurs.
Mais le temps est passé en épousant la flèche
Et l’âme a trépassé pour cause de tête blèche,
À trop se préserver l’unique vie s’enflamme
À force de rêver s’est éteinte la flamme.