Jacques, qui avait regretté de ne pouvoir lire la Bible catholique dans une version primitive, et qui s’était donc contenté d’une version du vingtième siècle, comprend en lisant le Coran qu’une version originale d’un texte écrit il y a des siècles n’apporte que doutes et incompréhensions. Pour qu’un texte reste accessible et compréhensible, il doit finalement subir un toilettage et une adaptation régulière en suivant les évolutions culturelles et sociétales au cours des siècles. La lecture au vingt et unième siècle d’un texte écrit au septième siècle conduit immanquablement à des interprétations erronées et subjectives.
Le Coran semble contenir un appel à la violence, alors que le Nouveau Testament incite davantage à la paix et au pardon. Cela est-il lié au fait que Mahomet était un guerrier qui avait gagné le pouvoir, alors que Jésus était réduit à un rôle secondaire pendant sa courte vie ? Cependant l’islam est aussi une religion issue d’Abraham. Les musulmans prient le même Dieu que les juifs et les chrétiens. Pour un non-initié au fait religieux, ces trois religions sont similaires. Difficile de comprendre pourquoi la religion Abrahamique s’est scindée en trois cultes, et même bien davantage en comptant les différents courants au sein de chacun d’eux et les cultes aujourd’hui disparus. Jacques concède volontiers que la manière d’être croyant diffère d’une religion à une autre mais la finalité est la même.
Il fait un parallèle avec les équipes de football qui pratiquent le même sport et veulent gagner la même ligue des champions mais avec des tactiques différentes. Pour lui, une religion, c’est une équipe de football avec un président, des entraîneurs, des leaders, des suiveurs, des employés, des supporters. Les religions se font la guerre comme les équipes de football s’affrontent en compétition. Elles veulent régner dans le monde comme les footeux veulent gagner la ligue des champions. Il y a une équipe qui joue l’attaque, une qui joue la rigueur, une autre qui joue la confiance, mais ce sont bien trois équipes qui jouent au football dans la même compétition, et qui parfois s’échangent ou s’achètent des joueurs. Pour quelqu’un qui n’aime pas le sport, les footballeurs sont indifférenciables !
Ces trois religions interloquent Jacques sur au moins un point : elles sont des religions du livre, et, elles suivent des règles – ou des lois – écrites il y a des siècles voire des millénaires. Comment des livres aussi anciens peuvent-ils encore être lus et suivis à ce point ? Aucune, ou peu, d’évolution depuis des dizaines de générations ! Cela à la fois fascine et effraie profondément Jacques. Il comprend bien que les dirigeants des pays ont, de tout temps, utilisé la religion pour souder et museler les peuples. À de nombreuses périodes de l’histoire, les peuples n’avaient pas le choix, et devaient pratiquer la religion imposée sous peine d’exclusion, de condamnation, voire de mort. Et c’est encore le cas aujourd’hui dans certains territoires. Toutefois, dans de nombreux pays les gens sont libres de penser ce qu’ils veulent, et pourtant, là aussi, les peuples soutiennent encore les religions.
L’autre chose qui irrite Jacques au plus haut point est le besoin insensé de certains fidèles de se référer aux textes anciens pour justifier une attitude, pour trouver la réponse à une question sociétale, ou pour expliquer des actes ignobles, comme s’ils étaient eux-mêmes dépourvus de toute intelligence. Pour savoir comment un homme doit se comporter avec sa femme, il faut lire les textes datant de l’Antiquité ou du Moyen-Âge ! Idem pour savoir ce qu’il faut manger ! Pour connaître les lieux et les heures pour prier ! Pour apprendre les bonnes manières ! Quand un homme a des regrets, il peut – ou doit – les confesser au représentant local du culte qu’est le prêtre, le rabbin, ou l’imam, comme si ce dernier avait une quelconque légitimité au travers de la loi de Dieu pour écouter, conseiller et amnistier un fautif.u
Jacques ne comprend pas que certains aient besoin de se référer à un – très vieux – livre pour distinguer le bien et le mal. Finalement la religion est une négation des capacités de l’homme, car elle lui dicte son comportement comme s’il était incapable de trouver seul les bons gestes à adopter. Jacques n’a pas besoin d’un religieux pour savoir comment parler à sa femme, et ses enfants n’ont pas besoin d’écouter un religieux pour être bien élevés.
Pour aller encore plus loin, Jacques se renseigne sur des religions d’autres cultures que la sienne. Il se tourne alors vers l’hindouisme, officiellement pratiqué par plus d’un milliard d’individus à travers le monde, essentiellement en Asie. Il découvre une religion et des pratiques relevant de traditions spirituelles et philosophiques au point que culture et religion sont indissociables. Mais, il lui est très difficile d’appréhender vraiment les concepts animistes à la source de cette religion et d’approfondir un imaginaire très éloigné de sa culture originelle européenne. Il est séduit par la tolérance que semblent accepter les hindous et par l’absence d’un besoin de création du monde. Il est aussi séduit par l’idée que le monde apparaît aux vivants selon une représentation qui ne correspond pas forcément à la réalité. Mais la croyance en la réincarnation lui semble absurde, et le fait rire, tout comme la vache sacrée et l’adoration envers certains animaux. Comment imaginer qu’il y ait une vie après la mort et une autre avant la naissance ? La superstition n’est jamais très loin quand on parle d’hindouisme.