L’aube et la peste
Quand il lui confia qu’il aimait tant
Se réveiller avant l’aube à quatre heures du matin,
Que dans le fracas ambiant qui emportait tout
Le matin dans la nuit était son seul instant de paix,
Il n’eût aucune peine à traduire du fond de son cœur
Sa propre existence, lui qui, également à l’aube,
S’imaginait à côté de celle qui n’était pas là
Avant de partir affronter le fléau au matin du jour.
C’était l’heure, en effet, où rien ne se passait,
L’heure privilégiée où le vide réconfortait
Dans un silence propre à l’imagination,
Qui revigorait l’homme fatigué et meurtri.
Même si le jour avait été noir et trahison
Et que la nuit nous avait poursuivis jusque dans les recoins de la pensée
Pour nous frapper au moindre arrêt de vitalité,
Juste avant l’aube on devenait enfin libre.
À cette heure-là, on pouvait être rassuré
Par la présence imaginée de celle qui avait dû partir
Alors que le désir de notre cœur inquiet
N’était rien d’autre que de garder l’être aimé.
Quand le temps de l’absence était venu
Il restait le pouvoir de plonger son amour
Dans le sommeil trop court et sans rêves
Qui ne prendrait fin qu’avec l’obligation du levé du jour.
Les larmes de mon cœur tombent sur ma tête qui se noie
Ce soir ton absence est près de moi
Elle me dit qu’elle est la plus forte
Et qu’elle va m’étouffer dans ma solitude.
Elle m’apporte une douleur qui se fait aussi forte
Que la joie que tu m’avais donnée
Elle me dit que l’amour,
Celui-là même qui donne tant de bonheur,
Vient m’apporter la souffrance.
Oh ! Mon malaise est si profond
Et je soufre.
Dans ma tête les violons jouent de plus en plus fort
Ils sont là, complices
Et je tombe.
La nuit vient d’entrer dans mon cœur
Il veut crier mais tu n’es pas là
Il entend que tu ne reviendras pas, et il pleure
Ses larmes les plus profondes tombent sur ma tête qui se noie
Et la peur, au secours !, vient d’entrer
Pour hurler que tu es loin et que tu t’échappes
Je veux m’enfuir mais en ouvrant les yeux
Je plonge dans mes larmes où je te cherche
Et je suis seul.
Oh ! Je souffre de toutes mes forces.
Tu m’as laissé ton visage et ta joie
Mais je n’ai gardé que ton absence et mes peines.
Les larmes de mon cœur tombent sur ma tête qui se noie.
J’irai dire à ma sœur
J’irai dire à ma sœur de mes yeux à ses yeux
Ce que les autres ignorent
J’irai dire à ma sœur quand je suis malheureux
Mes peurs et mes remords
Elle saura m’écouter, me parler de ses mots
Tout bas cueillis là-haut
Dans le plus grand tableau des couleurs et des sons
Du toucher, des parfums
Tous les sens en émoi qui courront vers mon cœur
J’irai dire à ma sœur avec mes yeux d’enfant
Ce que j’ai sur le cœur
Ou de frère orphelin en manque de réconfort
Ce que j’ai dans le corps
Elle prendra le rabiot pour alléger ma peine
Et ma main dans la sienne
Pour humer les douleurs et partager mes pleurs
De mes yeux à ses yeux
Les larmes deviendront en retour une fleur
J’irai dire à ma sœur que je suis égoïste
De prendre sans donner,
Lorsque viendra mon tour de jouer les caresses
Je saurai moi aussi
Muer ses larmes en joie pour alléger ses peines.
J’ai des rêves plein la tête.
Je ferais tout cela si j’avais une sœur,
Mais devant toi tu sais
Je serais beau parleur si tu étais ma sœur.