L'origine du reste de ta vie
Tu apprendras qu’il y a des jours qui tranchent,
Déliant brutalement le présent de la veille,
Frappant irrémédiablement à l’arme blanche,
Rebattant la destinée pour un lointain réveil,
Comme une lame sur la peau coupant le poil
Qui fait surgir une pilosité nouvelle
Plus dure, plus sombre, pointant vers une autre étoile,
Le bout de vie perdu meurt à l’orée du fiel.
Tu apprendras qu’il y a des jours qui glacent
Quand tu seras témoin des horreurs naturelles,
Spectateur terrifié des folies criminelles,
Coupable de vivre quand le voisin trépasse,
Comme un incrédule figé devant l’effroyable,
Comme un rat prisonnier puis pendu par le diable,
Comme un légume saisi dans le froid givré
Et dont la vie s’est subitement arrêtée.
Tu apprendras qu’il y a des jours qui hachent
Quand tu seras victime physique d’une guerre,
D’une idéologie, d’un terroriste lâche,
D’une maladie ou d’un salopard vulgaire,
Quand l’esprit est broyé comme de la chair rouge sang,
Que le cerveau ne conduit plus un corps miné,
Mets funèbre pour les charognards affamés,
Il n’y a pas d’avant-après, mais juste l’avant.
Tu comprendras que ces journées assassines
Deviendront, en arrachant tes belles racines,
Le point d’origine du reste de ta vie,
Pour faire le chemin de la survie à la vie.
Et il y aura tous les autres jours aussi
Avec leurs lots de quotidiens, grands et petits,
Ils seront dans l’anonymat de ton regard
Mais tu n’en auras conscience que bien plus tard.