Jacques se dit que le récit peut être une source d’inspiration pour l’imaginaire, que la lecture permet de parfaire sa culture générale, mais qu’il ne peut avoir un rapport quelconque avec le monde réel, il n’apporte aucune vérité sur les origines de la vie et de la Terre. Comment peut-on croire aujourd’hui que la Terre est le monde unique et isolé créé par Dieu ? Que ce dernier aurait créé les étendues de terre et d’eau, et aussi la lumière et le ciel ? Qu’il aurait créé l’homme à partir de poussière ?
Jacques sait que la science a démontré depuis longtemps que la Terre n’est qu’une planète parmi tant d’autres formées il y a quelque 4,5 milliards d’années. Le soleil, formé des millions d’années avant la Terre, était alors une jeune étoile entourée de poussière de roches qui, sous l’action de la gravité, se sont assemblées pour former des planètes sphériques. Jacques a appris des livres et de documentaires télévisés ou visionnés sur internet que la Terre est en perpétuelle évolution depuis sa formation. Les scientifiques ont des preuves de moments clés de la vie de la planète marqués par des alternances de périodes chaudes et froides, avec et sans atmosphère. Aussi la Terre a été à plusieurs reprises entièrement recouverte de lave – avec une température en surface dépassant les 1 000 degrés –, ou d’eau liquide, ou de glace – parfois avec des températures de -50 degrés. En fin de compte, la Terre a été le plus souvent un lieu inhabitable et inhabité, en totale contradiction avec les écrits de la Genèse.
L’eau et les molécules primitives à l’origine de la vie sont arrivées sur la Terre depuis l’espace, très longtemps après la formation de la planète, elles étaient déposées sur des objets solides mitraillant la surface de la Terre dans une grande période de bombardements météoriques. L’apparition de la vie, il y a environ 450 millions d’années, s’est produite dans des eaux où une espèce de bouillie chimique contenait les molécules primitives et l’énergie nécessaire aux réactions chimiques. D’abord des organismes monocellulaires ont peuplé l’océan, puis des millions d’années plus tard sont apparus des êtres de plus en plus complexes. La vie s’est ensuite propagée sur le sol terrestre. De nombreuses espèces vivantes se sont développées, ont prospéré, puis ont disparu à cause d’un épanchement de lave, d’un changement climatique, d’une atmosphère devenue acide, d’une météorite, etc.
Dans le monde du vivant, l’homme n’est qu’une espèce parmi d’autres. Il est apparu sur Terre plus de quatre milliards d’années après la formation de la planète, au milieu de pleins d’autres espèces, sans hiérarchie entre elles. L’homme n’est pas une espèce vivante distincte des animaux, c’est juste un animal qui a développé un plus gros cerveau que les autres, ce qui lui permet de dominer – temporairement – sur la planète. Rien de plus. Croire que l’homme a une place particulière voulue par un créateur relève d’une infinie naïveté.
Jacques voit aussi dans la Genèse un texte très sexiste. Et cela le choque profondément. Il suivait une éducation dans un monde moderne où l’école et la société affichaient une volonté nette de mettre en avant l’égalité entre les hommes et les femmes. Il n’avait jamais, depuis sa naissance, imaginé que la femme puisse avoir été créée après l’homme. Quelle idée saugrenue ! Dans sa représentation du monde, l’homme et la femme sont des êtres identiques qui ne se distinguent que par le genre. Il n’y a pas de hiérarchie.
Mais, dans la Genèse, non seulement la femme vient après l’homme, mais en plus, c’est elle qui mange le fruit de l’arbre défendu, source de tous les malheurs de la Terre. Jacques se souvint subitement qu’un jour son père avait utilisé l’idée qu’Ève était à l’origine du mal dans la Bible comme un argument pour justifier que les femmes étaient incompétentes pour le travail et trop souvent source de problèmes. L’unique rôle de la femme dans le récit de la Genèse est d’apporter le mal. Tout le reste du récit est consacré à l’homme. Et comme l’auteur de la Bible est Dieu lui-même, puisque l’homme qui écrit n’est qu’un instrument choisi par Dieu, c’est donc Dieu lui-même qui attribue un rôle secondaire à la femme. Pourquoi Dieu aurait-il décidé que la femme n’est pas l’égal de l’homme ? Pour Jacques, il était évident que cela n’avait aucun sens. C’était même une preuve que la Bible est une invention humaine. D’ailleurs pourquoi Dieu aurait dicté la main de l’homme pour écrire le manuscrit ? Ne pouvait-il pas faire le travail d’écriture lui-même ? Pour Jacques, le croyant perdait définitivement son statut de disciple pour celui d’esclave.
Quant au Nouveau Testament, Jacques apprend que les Évangiles sont des textes écrits plusieurs décennies après la mort de Jésus par des gens ne l’ayant pas connu. Les écrits sont donc – au mieux – le résultat de transmissions orales au sein de deux à quatre générations. Et la sélection des quatre évangiles appartenant à la Bible parmi toutes celles existantes a été dictée par des intérêts politiques. Jacques retint surtout que la vie de Jésus était celle d’un prédicateur prêchant la bonne parole aux non-croyants pour les convertir et qu’il pratiquait l’exorcisme et les guérisons miracles des malades. Jacques se dit « N’est-ce pas la définition d’un gourou ? » Et il doute de la véracité des faits relatés : « Comment Jésus peut-il guérir une malade en prenant sa main ? D’où viennent ses pouvoirs fantastiques ? Si vraiment Dieu le père veut soigner les malades, pourquoi ne le fait-il pas directement lui-même ? Et pourquoi sélectionne-t-il certains malades à guérir au lieu de tous les soigner ? » Pour Jacques, cela relève de la fiction. « Comment peut-on croire à des choses pareilles ? Il est évident que la plupart des récits n’ont aucune réalité. Comment, deux mille ans plus tard, peut-on encore se référer à ces textes ? »